Le street artiste Goofy ose la fragilité

Ses êtres protozaires sont émouvants, sur des aplats rouge, bleu, jaune, d’une intensité saisissante. Ils habitent ces semaines-ci les murs des Pentes de Croix-Rousse, exposés aux dégradations. Dans une osmose de culture de rue et d’art naïf, Goofy conjugue l’intimité de l’être et sa fragilité face aux coups du temps. Rencontre avec un artiste désarmé et désarmant.

Ses êtres protozaires sont émouvants, sur des aplats rouge, bleu, jaune, d’une intensité saisissante. Ils habitent ces semaines-ci les murs des Pentes de Croix-Rousse, exposés aux dégradations. Dans une osmose de culture de rue et d’art naïf, Goofy conjugue l’intimité de l’être et sa fragilité face aux coups du temps. Rencontre avec un artiste désarmé et désarmant.

« L’être humain prend des coups sans le vouloir », dit Goofy. C’est sur cette fragilité de l’être, tout au long du temps que l’artiste travaille actuellement, dans son atelier, montée de la Grande Côte, chaque jour, quand il n’est pas à son boulot alimentaire d’intérimaire. Dans son atelier ou bien sur les murs du quartier.

« Ça tourne autour des corps, de leur fragilité au cours du temps, à tout ce qui nous entoure. »

Goofy - Street art Lyon

Goofy, à l’atelier, octobre 2025

Là, disposant de plus de temps que dans la rue, il utilise la peinture. Beaucoup d’acrylique. Et aussi le plâtre, pour sa sensibilité au fil du temps qui passe. Il le met directement sur ses œuvres, à la main.  « C’est une bonne matière », commente-t-il, se parlant à lui-même autant qu’à moi qui l’interviewe. Et dans cette réflexion, on sent la satisfaction de celui qui a trouvé son mode d’expression.

Œuvre de Goofy avec plâtre, à l’atelier

Ces formes protozoaires, un peu naïves, lui sont tombées dessus, émergeant comme ça, dans sa tête. Leurs couleurs intenses, il ne les utilisait pas en atelier, préférant des fonds noirs. Pour la rue, pour attirer l’attention, il est passé à des couleurs intenses, qu’il a choisies classiques, quasi basiques, comme ce rouge sang, en rapport avec la souffrance.

Cependant, toujours dans le symbolisme, il leur ajoute une marque primaire, carré, triangle, rond. Comme un nom très simple, mais qui distingue chacun.

Goofy - Street art Lyon

Goofy, montée de la Grande Côte, Lyon 1er, 29 septembre 2025

Goofy vient de la culture de rue

« Goofy » est le nom de la position sur le skate, pied droit devant, gauche derrière. La planche, il en a fait durant 17 ans ! Il a ridé dans cet univers de grafitis bombés, de tags, sur fonds de fresques. Cette culture de la rue, on la voit dans son travail, ce goût du trait simplifié et des aplats aux couleurs intenses. Sur les réseaux, il a ajouté « 2.9 », du 29 du Finistère dont il vient. Les films aussi l’ont aidé, l’ont formé, il a été projectionniste dans un cinéma à Meyzieu.

Il a mis du temps à devenir street artiste, à exposer et s’exposer sur les murs. Autodidacte, sans autres formations que celle de la rue et du cinéma — nous allons y revenir — il a travaillé des années, depuis l’enfance, seul, sans montrer ce qu’il faisait. Récemment, des amis lui ont dit, « Tu devrais commencer à montrer. » Jusque là, il créait seulement pour lui.

Là, dans la rue, sur les murs, exposées à la pluie, aux déchirures, ses œuvres elles aussi deviennent fragiles, rejoignant cette fragilité qu’il explore. Le street art est ainsi partie de sa démarche.

« Ce côté fragile du street… d’ici une semaine, ça peut être dégradé. Si c’est abimé, c’est voulu. J’en tire parti »

Le street art est pour lui autant salle d’expo, murs gris et rues pas très jolies à embellir, lieu de résistance pour des « petits » messages où « on met de son cœur ». Il offre aussi de pouvoir choisir ses lieux d’accrochage. Goofy trouve de petits endroits qu’il considère comme des sortes d’extensions à son atelier : il est un artiste de rue.

Dans cette rue, où il y a du passage, où les gens prennent le temps de découvrir, il discute avec eux, ils se prennent en photo. Échanger lui est important. Un jour, alors qu’il travaille une œuvre près d’une école, des gamins à la récré le regardant faire l’interrogent. Cela aussi est peut-être bien le street art.

Goofy - Street art Lyon

Montée de l’amphithéâtre, Lyon 1er, 29 septembre 2025

Goofy n’a pas encore d’exposition. Pour voir son travail, il y a @goofy2.9 sur Instagram et ses collages sur les pentes de Croix-Rousse.

Propos recueillis par Gilles Bertin

Goofy - Street art Lyon

Goofy, montée de la Grande Côte, 29 septembre 2025