Lanternes magiques et bébés robots : retour sur la fête des lumières 2019

À travers 7 coups de cœur et demi, retours en photo et en vers libres sur les animations qui ont marqué la fête des lumières 2019.

C’est la ballade
Que la maman robot
Chante pour qu’il s’endorme
À son bébé robot
Qui veut pas faire dodo

chantait Mama Béa en 1978. Des ballets de robots et la magie retrouvée de l’enfance donnent à cette fête 2019 la magie qu’elle promet depuis sa naissance un soir d’orage de 1852.

Light me imaginée et créée par Séverine Fontaine, Place de la Bourse, fête des lumières 2019
Light me imaginée et créée par Séverine Fontaine, Place de la Bourse, fête des lumières 2019

Avec une fausse modestie typiquement  lyonnaise, les médias de la capitale des gones annonçaient ce millésime 2019 comme novateur. La veille du démarrage, au vu des essais techniques, ce n’était pas notre sentiment à Lyon Visite. Mais, jeudi soir, après le discours de Gérard Collomb ouvrant avec son talent habituel d’orateur la fête 2019, puis après la petite déception de la place des Terreaux, notre impression a fortement évolué. La fête 2019 recèle nombre de pépites chatoyantes et chatouillantes.

Retrouver l’innocence de son enfance avec les lanternes magiques de Gadagne (coup de cœur n°1), œuvre de Julia Dantonnet et Shantidas Riedacker

L’enfance
Qui peut nous dire quand c’est fini
Qui peut nous dire quand ça commence
C’est rien avec de l’imprudence
C’est tout ce qui n’est pas écrit

chantait Brel.

Ô lumière des haies, lune sur la forêt
Ô chant de la hulotte, vagissement du hérisson
Ô glissement soyeux de la limace, oreilles du lapin
Ô biche dessert des cerfs
La chauve-souris se faufile dans les peupliers
Ô l’innocence d’avant la naissance
D’avant les particules fines CO2 des SUV

Hôtel de Gadagne, Vieux Lyon - Fête des lumières 2019
Hôtel de Gadagne, Vieux Lyon – Fête des lumières 2019

C’est l’animation la moins coûteuse de la fête. Ni lasers, ni tubulures d’aluminium, ni cohortes de robots. Seulement quelques lanternes magiques. Des animaux, des arbres découpés dans un carton à chapeaux et dedans une bougie, LA lumière, cette lumière magique originelle retrouvée, qui projette des ombres chinoises sur les grands murs du double hôtel des frères Gadagne et dans les niches de ses galeries. Ce n’est pas tout à fait une bougie, c’est une belle grosse LED, mais la flemme de sa flamme est là dans notre cœur, quand il n’y avait ni minutes ni secondes aux après-midi et aux nuits d’été, quand on croyait au Petit Chaperon Rouge et aux méchants loups qui existent bien. Ce n’est pas non plus tout à fait un carton à chapeaux, ni un tambour du Bronx, mais un cylindre amoureusement découpé.

Un travail de 6 mois précise dans un message de remerciement après parution de cet article Julia Dantonnet, auteure de la  partie lumière de cette animation, avec son complice Shantidas Riedacker au son. Ajoutons qu’elle et il lui ont choisi un titre en français : Nocturne.

Allez à Gadagne, allez en enfance, goûter l’utopie d’un monde sans crise climatique, un monde sans pots cataleptiques, sans collapsologues, sans COP 19, 21, 25, 99. Un monde de libellules et de lapins. Magie de la lumière de révéler la nuit.

L’enfance
Qui se dépose sur nos rides
Pour faire de nous de vieux enfants
Nous revoilà jeunes amants
Le cœur est plein, la tête est vide
L’enfance
L’enfance

Les amoureux de la place de la Bourse (coup de cœur n°2)

Deux robots non genrés face à face tiennent une conversation amoureuse. Du moins, c’est ce que nous imaginons spontanément. Dans sa création, Séverine Fontaine a imaginé plus large. Le dialogue, le rapport entre deux êtres, incarnés par deux bras robots, si l’on peut employer ce verbe. Laissons leur la parole :

Gracieux ballet de robots sur une subjugante musique de Lucie Antunes à l’Hôtel-Dieu, (coup de cœur n°3)

La formation en carré de ces 20 robots nous faisait peur, eh bien elle se révèle fort efficace de fluidité et de souplesse coordonnée. Le néon que porte chaque bras participe à l’ensemble comme — et encore plus efficacement que — dans une troupe de ballet. Animation réussie, donc. Les reflets sur la bâche plastique en-dessous d’eux et la musique de Lucie Antunes insèrent de l’organique dans cette chorégraphie robotisée. Il ne manque plus à ces 20 robots que de devenir mobiles, de faire des pas chassés et des pointes, des glissades et des saltos.

Hôtel-Dieu, cour du Midi, fête des lumières 2019, sur un emusique de Lucie Antunes
Hôtel-Dieu, cour du Midi, fête des lumières 2019, sur une musique de Lucie Antunes

La lumière est eau à la Fontaine des Jacobins, (coup de cœur n°4)

En apparence, rien de plus extraordinaire que dans une discothèque, des lasers et de la fumée. Mais il y a cet écran de pierre blonde de la fontaine, mais il y a ces quatre nymphes enlaçant chacune un poisson, mais il y a ces 4 illustres Lyonnais de pierre, Philibert Delorme, Guillaume Coustou, sculpteur, Gérard Audran et Hippolyte Flandrin, 4 hommes et pas une femme, mais il y a cette fontaine carrée inscrite dans une vasque et une place circulaires, cette fontaine d’où part la lumière, autour de laquelle elle tourne, nombril et pivot.

Fontaine des Jacobins, fête des lumières 2019
Fontaine des Jacobins, fête des lumières 2019
Fontaine des Jacobins, fête des lumières 2019
Fontaine des Jacobins, fête des lumières 2019
Fontaine des Jacobins, fête des lumières 2019
Fontaine des Jacobins, fête des lumières 2019

Pris dans la nasse de la place des Célestins (coup de cœur n°5)

Quel âme constipée a imaginé ce tortueux entonnoir en serpentin d’alambic lambrissé de barrières métalliques et d’entrées de rues fermées par des cerbères qui, après moult retours et détours perpendiculaires, aboutit enfin à l’entrée  de la place des Célestins ? Une entrée suffoquée comme la gorge d’un insuffisant respiratoire. Plus encore qu’avec le plan de circulation traditionnel où on laissait arriver les gens par la rue des Archers, en face du théâtre. On s’entassait, mais on pouvait s’échapper. Là, au coin sud-ouest de la place, les mémères défaillent  et seuls les basketteurs tirent leur épingle du jeu… ou les Tintin reporters de Lyon Visite qui enjambent les rambardes et traversent les bosquets de magnolias pour atteindre la place centrale où, miracle, il y a beaucoup moins de monde. Il paraît que c’est ainsi dans l’œil des cyclones.

Théâtre des Célestins, fête des lumières 2019
Théâtre des Célestins, fête des lumières 2019

Mais quel bonheur ! Une des plus belles animations de cette fête. Au-dessus de la place un écheveau de copeaux cuivrés, longue chevelure bouclée comme celle de la tête de Méduse du Persée de Benvenuto Cellini capte les rayons lumineux comme les branches d’une clairière attrapent le soleil. Cet impressionnisme vibrant résonne avec le classicisme à l’italienne de ce bijou de théâtre des Célestins, admirablement proportionné.

Petite cerisaie sur ce gâteau des Célestins, la porte du théâtre éclairée en haut de son perron qui dit aux cœurs épris de théâtre qu’on entre ici en un lieu de lumière pour l’esprit et l’âme, un lieu de dire.

Théâtre des Célestins, fête des lumières 2019
Théâtre des Célestins, fête des lumières 2019

Jonathan Livingstone le Goéland et René Magritte, gare Saint-Paul (coup de cœur n°6)

Des images surréalistes qui donnent plein de pichenettes à notre imaginaire. Une antique micheline (ces trains vintage qui desservaient les campagnes avant les TER), un oiseau qui plane dans un décor urbain, un astronaute, un homme à melon qui arpente un clavier de piano. Une animation simple qui atteint son but proclamé en anglais dans son titre, Day Dreams (chaque année, nous nous questionnons sur cette manie de titrer les animations en anglais). Rêves quotidiens ? Jour de rêves ? Jean-Noël Beyssier de Flshka design a su proposer avec cette animation une très belle moulinette à rêves. Merci à vous.

Gare Saint-Paul, animation de Flshka Design, fête des lumières 2019
Gare Saint-Paul, animation de Flshka Design, fête des lumières 2019
Gare Saint-Paul, animation de Flshka Design, fête des lumières 2019
Gare Saint-Paul, animation de Flshka Design, fête des lumières 2019
Gare Saint-Paul, animation de Flshka Design, fête des lumières 2019
Gare Saint-Paul, animation de Flshka Design, fête des lumières 2019

Place Bellecour, ça plane pour moi ! (coup de cœur-épic) — Prairie éphémère

Le même dispositif que place de la République en 2017 avec les Pikooks. Des grosses baudruches oiseaux-poissons éclairées de l’intérieur dérivent dans le ciel, ici au-dessus d’un décor d’herbes en fibre optique. Il faut se laisser prendre par leur nonchalance et la musique. Les proportions de la place, la gigantesque grande roue et la solennelle statue équestre structurent cette installation imaginée par Tilt et Portés par le vent, qui sans cela serait trop dans la tendance verte.

Place Bellecour, fête des lumières 2019
Fête des lumières 2019, place Bellecour

Place des Terreaux, une valeur sûre

Elle est neûve ma place comme disent les Lyonnais en accentuant le « eu », c’est une caractéristique de l’accent francoprovençal. Or donc, pour sa réfection in extrémis avant la fête, la place des Terreaux a accueilli en son écrin de pierre, sur la façade anonyme du musée des Beaux-Arts et sur celle de l’Hôtel de ville, une animation fort classique et, à défaut d’être originale, ce qui est difficile dans ce lieu gigantesque, est efficace. Le côté appliqué et convenu de la mise en abyme des conversations de la troupe d’animation casse sans doute la poésie au départ.

Places des Terreaux, fête des lumières 2019
Places des Terreaux, fête des lumières 2019
Places des Terreaux, fête des lumières 2019
Places des Terreaux, fête des lumières 2019

Place Rambaud, encore un robot, par Encor Studio

Troisième animation basée sur de la robotique avec celles de l’Hôtel-Dieu et de la place de la Bourse. Installé sous une tente transparente en forme d’igloo, le bras robot de Encor Studio braque son phare tout autour de lui, au gré des commandes vocales des spectateurs. Mais, enchaîné comme ses copains à son socle, il ne peut heureusement s’échapper, seulement pivoter et gesticuler en vain.

La cathédrale Saint-Jean sur la chaise électrique (coup de pique)

Déception à la cathédrale devant le énième replay d’une Genèse anthropocentrée, comme si la sublime façade appelait irrésistiblement année après année ce genre d’histoire. Quelques très beaux effets, particulièrement dans la sobriété quand des vermicelles de lumière drapent le monument d’une résille poétique. Un jour peut-être, dans une année prochaine, quelqu’un viendra avec une non Genèse, une non construction de cathédrale, une autre histoire. Ou un poème ?!

Cathédrale Saint_Jean, fête des lumières 2019
Cathédrale Saint-Jean, fête des lumières 2019
Cathédrale Saint-Jean, fête des lumières 2019
Cathédrale Saint-Jean, fête des lumières 2019

Lien vers le programme 2019 et notre parcours conseillé

Belle fête des lumières

Programme fête des lumières 2019 + parcours de visite

Programme de la fête des lumières 2019 avec ses animations les plus fortes + notre parcours de visite…
Article en cours de rédaction, revenez le consulter tout ce grand week-end.

Du jeudi 5 au dimanche 8 décembre.

  • Jeudi et dimanche : 19h à 23h (beaucoup moins d’affluence ces 2 jours)
  • Vendredi et samedi : 20h à minuit

Réservez vos visites guidées fête des lumières ici (nombreuses visites guidées de 9h à 16h — pour des visites accompagnées de la fête elle-même, adressez-nous votre demande ici)

Une fête 2019 renouvelée

La fête des lumières 2019 s’annonce belle et particulièrement originale, avec de nouveaux artistes. Parmi nos 12 sélections subjectives — basées sur notre expérience de 11 années de fête des lumières — 12 animations parmi les 65 créations de cette fête 2019 figurent des points d’orgue à ne pas rater. Spectaculaire et lyrique, Place des Terreaux, Cathédrale Saint-Jean. Ludique, Place du Griffon. Révolution numérque, Place des Célestins, place Sathonay.

Le programme complet est distribué dans les guérites situées aux principaux points de la ville, dont Opéra. Ainsi que par des jeunes gens à cheval sur des gyropodes.

Parcours de visite conseillé : 3 km et demi de lumières soyeuses

Parcours complet : partir du Parc de la Tête d’Or (métro A station Masséna, 5mn à pied) jusqu’à Cathédrale Saint-Jean puis Musée Gadagne

Parcours plus raisonnable : partir de la Cathédrale Saint-Jean, jusqu’à place des Terreaux, place du Griffon et Place Sathonay.

Visites guidées : c’est par ici

—— LETTRE D’INFORMATION Fête des lumières… pour ne rien rater du meilleur ——

Pour recevoir vendredi 6 décembre nos coups de cœur 2019 vus et photographiés sur le terrain, inscrivez-vous ici :



Parcours de visite fête des lumières 2019

L’itinéraire que nous vous conseillons cette année.

Parc de la Tête d’Or, accrobranche

Végétale et aquatique, toujours différente des autres

Allez voir cette animation, même si elle est loin des autres, vous risquez d’être enchanté, touché, emporté loin. Au Parc de la Tête d’Or, les animations de la fête des lumières ont toujours une profondeur que ne peuvent avoir aucune autre animation de cette fête.

Fête des lumières 2010 au parc de la Tête d’Or : la compagnie Carabosse avait imaginé, monté et animé ce mobile de feu et d’eau. C’était tout simplement magique !

La dimension végétale et obscure des arbres plongés dans l’ombre, dans nos inconscients de citadins mondialisés, nous fait vibrer comme les violoncelles jouant les suites de Jean-Sébastien Bach. La dimension aquatique des eaux froides du lac nous ramène au bouillon de culture originel, quand nous avons quitté la mer pour la terre.

L’animation imaginée par Groupe F

Des mannequins humanoïdes résillés de lumière bondiront dans les arbres illuminés du Parc, tout en suivant un chemin de lumière tracé par les chemins obscurs jusqu’au milieu du lac. Gérard Manset chantait :

Mais où sont passées les lumières
Qui nous guidaient ?
Peut-être étions-nous trop fiers
Pour baisser la tête.

Animation Parc de la Tête d'Or, Regarde (c) Groupe F — Simulation d’artiste
Animation Parc de la Tête d’Or, Regarde (c) Groupe F — Simulation d’artiste

On y va par l’entrée principale, porte des Enfants du Rhône, tout juste rénovée et redorée. Une jolie balade peut être de suivre les berges en bas, au bord de l’eau.

Place du Griffon, fatal tilt

J’étais tranquille j’étais peinard
Accoudé au flipper
Le type est entré dans le bar
A commandé un jambon beurre
Et y s’est approché de moi
Et y m’a regardé comme ça

chantait Renaud en 77 avant de siffler tout le pastaga de ce bar. Et puis le type a renversé le flipper… Un flipper géant sur le flanc place du Griffon, sur cette place rarement mise en scène pour la fête des lumières. Bonne idée. Et comme c’est à deux pas de la place Louis Pradel, de l’Opéra et des Terreaux, il ne faudra pas se priver de lui rendre visite. Elle a été imaginée par Stéphane Durand et Patrick Laurino, qui travaillent tous deux pour le théâtre, à la création de décors. D’où sans doute cette théâtralité. Et comme le dossier de presse annonce une dimension poétique et humoristique, nous sommes curieux de cette animation qui remmènera peut-être les plus vieux du côté de 77 et les jeunots dans leurs 17 ans.

Placxe du Griffon, une installation de Stéphane Durand et Patrick Laurino — Simulation d'artiste
Place du Griffon, une installation de Stéphane Durand et Patrick Laurino — Simulation d’artiste

Place des Terreaux, le retour de Benoît Quero après le lifting de la place imaginée par Christian Drevet et de Daniel Buren

Fête des lumières 2019, place des Terreaux, simulation d'artiste
Une toute petite histoire de lumières (c) Spectaculaires, les Allumeurs d’Images — Fête des lumières 2019, place des Terreaux, simulation d’artiste

L’histoire de la restauration de l’œuvre de Buren

Cette fête des lumières 2019 sera la première grande sortie de la place des Terreaux retoilettée en princesse de pierre blanche et noire. Les travaux qui depuis plus d’un an avaient transformé la place en paysage lunaire seront terminés à temps, tout le monde l’espère. Rappelons que les négociations entre la municipalité et l’architecte Christian Drevet et l’artiste Daniel Buren (qui détiennent la propriété intellectuelle de l’œuvre que constitue l’aménagement de cette place, qui leur avait été commandée en 1994 par la même municipalité, sous Michel Noir) ont été un peu rudes. Daniel Buren déclarait en 2015 à FranceInfo que c’était :

une atteinte terrible au droit moral, parce que les gens continuent, sans doute à juste titre, à accoler mon nom à cette place et qu’est-ce qu’ils voient ? Quelque chose que je suis le premier à dénoncer depuis très longtemps, c’est-à-dire quelque chose qui n’a plus ni queue ni tête et qui ne ressemble à rien. Source : FranceInfo

Buren avait envisagé de poursuivre la ville si elle ne remettait pas en état cette place. Avec Drevet, il a légèrement réaménagé leur projet initial. Les 69 fontaines (comme le numéro de département du Rhône) dont le fonctionnement et l’entretien posaient problème ont été ramenées à 15. Et le dallage renforcé pour supporter le passage des véhicules autour et parfois dessus, comme durant les G7… Et la foule pendant les fêtes des lumières. Mais, toujours ni arbres, ni un brun d’herbe, fors de fumette.

Le retour 11 ans après son coffre à jouets de Benoît Quero

Or donc, après ce long bras de fer entre finances publiques et droit d’auteur, la place accueillera à nouveau la fête des lumières, qu’elle avait désertée depuis 2017. Et ce sera surtout le retour de Benoît Quero. Ce dont on se réjouit à Lyon Visite car nous avons encore de son animation de la place en 2008 des étoiles dans le cœur et la magie de notre enfance dans les yeux. Il avait transformé la place en immense coffre à jouets.

DR Spectaculaires Les allumeurs d’images – Animation 2008 de la place des Terreaux

Des voitures de pompiers, des fusées à la Tintin circulaient sous les impostes des longues façades minérales du Musée des Beaux-Arts et de l’Hôtel de Ville.

Cette année, Benoît Quéro se tourne à nouveau vers ce lieu du jeu, et ce n’est plus le coffre de l’enfance, mais celui de la création, si vous admettez cher lecteur que la création est un jeu. Fermez les yeux, imaginez un immense panne d’électricité. Vous auriez à nouveau accès à ce spectacle que l’on ne voit plus. La dérive des nuages au vent, la caresse de la lune sur les feuillages, le vol dans le ciel des sorcières, des balais, des assiettes, des coffres à jouets. Nous avons le droit de rêver, n’est-ce pas ! Une très jolie ironie de cette animation qui nous invite à imaginer la création sans électricité est qu’elle est sponsorisée par… EDF 🙂

Place Sathonay, big data tagadac Google

Suis-je enceinte ? Google sait tout de nos vies parce que nous le lui confions nos demandes les plus intimes, les plus secrètes, les plus inavouables, comme les plus banales. Une pizza thon anchois, comment faire l’amour, le contrôle technique le plus cool pour sa vieille caisse, comment reconquérir son ex (oui, il existe un site pour ça). Romain Tardy, dont ce sera la toute toute première fête des lumières, puisque non seulement il n’a jamais créé d’animation pour elle, mais il n’y a jamais non plus assisté, en a fait le cœur de son dispositif qui entourera la statue du sergent Blandan, place Sathonay. 18 afficheurs géants en cercle produiront aléatoirement ou pas tant que ça les demandes faites en France au moteur de recherche. Et l’on pourra se rendre compte de ce qui anime nos âmes. Et nous questionner sur notre inlassable quête de puissance et notre paresse qui nous fait rechercher des solutions toutes faites au lieu de nous confronter à notre réalité, moi, l’auteur de cette page, en premier.

Place Sathonay, The Great Indecision Council © Romain Tardy, simulation d'artiste
Place Sathonay, The Great Indecision Council © Romain Tardy, simulation d’artiste

Rue Herriot, des grands rêves municipaux

Les animations sans animation, paradoxalement et pas tant que ça, remportent souvent un grand succès. Ainsi en va-t-il depuis des années de la déco au-dessus de la rue de la République. Cette année, ce sera rue Herriot, la récemment rue végétalisée avec des bacs à fleurs en vue des prochaines municipales/métropolitaines, puisque les deux se mêleront, s’emmêleront, s’étriqueront. C’est Hexagone Illumination qui assurera cette décoration, installant  30 décos au-dessus et à travers le kilomètre de cette rue de Terreaux à Bellecour. Genre ce qui se fait pendant les grandes fêtes religieuses au Portugal. Top beau pour poser sur la photo avec un verre de vin chaud fumant, cannelle et citron.

Place des Jacobins, à la claire fontaine

L’allemand Ralf Lottig y reproduira une inondation autour de la sublime fontaine en son centre. Eau, brume, pluie, vent… pas pour de vrai, bien sûr, en laser et leds.

« Golden hours » par Jacques Rival, fête des lumières 2017 – Photo Lyon-visite.info

Et comme cette place est très belle et cette fontaine la plus belle de Lyon, la plus équilibrée et classique, attendons-nous à un beau spectacle.

Grand Hôtel Dieu, robot mille pattes sur le dos

Grosse attente après Alain Benini

Nous attendions triplement cette animation. Parce que c’est la première animation fête des lumières dans cet Hôtel Dieu nouvellement restauré. Parce qu’aucun projet culturel n’a été pensé, imaginé, osé, financé par la municipalité pour cette luxueuse coquille de pierre vide… Vide, sauf de commerces ! Parce que des années durant, Alain Benini l’architecte des HCL a mis la barre très haut avec des installations gorgées d’expressivité, telles une page de Marguerite Duras, une chanson d’Alain Souchon, un film de Federico Fellini, des animations populaires dans le bon sens du mot, où les spectateurs dansaient spontanément. Il a été notre coup de cœur 2010 n°1 et notre coup de cœur 2012 n°5.

Animation Hôte-Dieu par Alain Benini
Animation Hôtel-Dieu 2009 par Alain Benini

Le mille pattes de Collectif Scale et de la passionnante musicienne Lucie Antunes

20 bras robots illuminés installés en 4 rangées de 5 bien ordonnées danseront selon le dossier de presse, dixit et sic :

un ballet dans lequel la lumière a supplanté l’homme

Ce sera Cour du Midi, au centre de l’Hôtel-Dieu.

Animation Grand Hôtel-Dieu, cour du midi,Coda (c) Collectif Scale & Lucie Antunes
Animation Grand Hôtel-Dieu, cour du midi,Coda (c) Collectif Scale & Lucie Antunes

Le Collectif parisien Scale a des références impressionnantes telles que Christine and The Queens ou Carl Craig. Ce sera sa première fête des lumières. Comme la passionnante musicienne Lucie Antunes qui fournit la musique inédite sur laquelle les 20 bras exécuteront leur gigue digitale 2.0.

La Place Bellecour végétalisée

"Promenons-nous" par TILT - François Fouilhé, fête des lumières 2017, Place Bellecour — Photo GB Lyon-visite.info
En 2017, François Fouilhé avait déjà marqué la fête des lumières place Bellecour avec les fleurs de son « Promenons-nous » — Photo GB Lyon-visite.info

Alors que les candidats aux prochaines municipales/métropolitaines se battent à coup de bacs à fleurs dans les voies de bus, François Fouilhé, inventeur du collectif TILT (notre coup de cœur n°3 en 2017 pour ses fleurs, déjà place Bellecour), et Christophe Martine, parapentiste créateur d’objets lumineux éoliens, se sont alliés pour végétaliser entièrement la place Bellecour.

Prairie éphémère, place Bellecour, (c) TILT et Porté par le vent — Simulation d'artiste
Prairie éphémère, place Bellecour, (c) TILT et Porté par le vent — Simulation d’artiste

500 grandes herbes lumineuses de 4 mètres de haut couvriront la terre battue du quasi carré de la plus grande place piétonnière d’Europe (plus grande que la Place Rouge). Ces herbes remuent et sont parcourues par nous, les spectateurs (qui nous sentiront au choix chétifs ou admiratifs de la grandeur de l’univers herbeux de François Fouilhé), et par quelques créatures volantes, Les Luminéoles, qui sont la spécialité de Christophe Martine qui pour leur envol a créé en 2002 la structure Porté par le vent.

À propos de grandes herbes, plus hautes que soi, connaissez-vous le lumineux roman de Hubert Mingarelli, auteur qui figure sur le
Mur peint des écrivains, quai de la Pêcherie (voir notre visite des murs peints) ?

Cette herbe poussait si vite que personne ne jugeait utile de couper une herbe qui aurait repoussé le lendemain. Elle commençait derrière les maisons et, me semblait-il, s’étendait aussi loin que la vue portait depuis le sommet du château d’eau. Mais je ne pouvais pas l’affirmer, car je n’étais jamais monté sur le château d’eau.

C’était une herbe mystérieuse.

Je pouvais marcher une heure sans rencontrer autre chose que ces herbes qui me dépassaient d’un demi mètre en hauteur, mais laissaient entrer la lumière du soleil, de sorte qu’il n’y avait rien d’effrayant à y marcher, même sur un kilomètre à l’intérieur.

Une rivière verte et silencieuse, Hubert Mingarelli, éd. du Seuil, 1999

Place Antonin Poncet, chapeau pointu

Sébastien Lefèvre installera sur cette place entre Rhône et Bellecour, dominée par la tour restant de l’ancien hôpital de la Charité, une sorte d’immense chapeau conique, tissé de cordes lumineuses, dont les éclairages obéiront à des rythmes lyriques composés par Yes Sœur, un duo électro composé de Grégoire Simon et Alexandre Bouvier. Nous tous spectateurs déambuleront dessous.

Pavillon, (c) Sébastien Lefèvre, place Antonin Poncet — Simulation d'artiste
Pavillon, (c) Sébastien Lefèvre, place Antonin Poncet — Simulation d’artiste

Place des Célestins, télécharger un bout du cloud

Prenez la place la plus classique de la ville, un écrin carré de magnolias avec son joyau de théâtre à l’italienne. Prenez un groupe qui a créé 2 ou 3 des plus remarquables animations de la fête des lumières de ces 10 dernières années. Réunissez-lez. Logiquement, cela devrait produire une des plus belles animations de la fête des lumières 2019.

La Direction de l’Éclairage de Lyon a été notre coup de cœur n°3 en 2014, place Antonin Poncet. Comme elle a été notre coup de cœur n°1 en 2013, place des Jacobins en mettant la fontaine dans un cube transparent.

Place des Jacobins, Direction de l’éclairage public, Show case
Place des Jacobins, Direction de l’éclairage public, Show case

Et nous gardons intact notre émerveillement de 2012, sous les laides voûtes de Perrache dont la Direction de l’Éclairage de Lyon avait rempli le tunnel de poissons baudruches arrosés de lumière disco. Une expérience faite avec 3 bouts de ficelle, sans ordinateur, d’une poésie revigorante par grand froid et architecture hideuse.

Voûtes de Perrache, immersion abyssale, création de la Direction de l'éclairage public de la ville de Lyon
Voûtes de Perrache, immersion abyssale, création de la Direction de l’éclairage public de la ville de Lyon

Autant dire que Lyon Visite sera place des Célestins aux premières heures de cette fête des lumières 2019. Au risque d’être déçu, bien sûr, tout cela reste de l’art et du subjectif et non de l’injonctif. Faites-vous votre propre opinion !

Oh, j’oubliais la description de ce que la Direction de l’Éclairage nous a prévu. Ce seront, dixit car cela est difficile à visualiser, des particules de lumière flottant au rythme des données du big data (comme place Sathonay avec les recherches dans Google). Le visuel du dossier de presse ci-dessous est un peu plus éclairant et tournoyant. RDV place des Célestins le 5 au soir.

Place des Célestins, Jérôme Donna de la Direction de l'Éclairage de la ville de Lyon — Simulation d'artiste
Place des Célestins, Jérôme Donna de la Direction de l’Éclairage de la ville de Lyon — Simulation d’artiste

Fourvière depuis les berges, Le Vieil homme et la Mère

De bons géants lumineux cueilleront des nuages passant au-dessus de la colline à genoux pour les pleuvoir sur une pauvre fleur mourant de soif, comme une marguerite en pleine canicule place des Terreaux. Encore un thème écolo, comme place Bellecour, la fête des lumières 2019, une fête greenwashée.

Le vieil homme de toujours, en breton Cotzen, surnom de Philippe Cotten, avait déjà mis en lumière le vaste panorama de la colline de Fourvière vu depuis la rive gauche de Saône en 2016 où il faisait partie de nos coups de cœur. Cette année 2019, il se remet à la fois à l’écriture, aux manettes et au financement puisqu’il est à la fois auteur, producteur et metteur en scène.

Colline de Fourvière depuis les berges de Saône, Les cueilleurs de nuages (c) CozTen — Simulation d'artiste
Colline de Fourvière depuis les berges de Saône, Les cueilleurs de nuages (c) CozTen — Simulation d’artiste

Son animation couvrira le nombreux patrimoine concentré autour de Marie, la Mère de Lyon qui en a tant compté après elle, de la mère Guy à la mère Brigousse et la mère Brazier qui forma le jeune Bocuse. Des berges de Saône, idéalement du pont Bonaparte à la passerelle du Palais de Justice (passerelle fermée en la circonstance), vous pourrez contempler cet incroyable panorama lumineux : chevets de la basilique de Fourvière et de la cathédrale Saint-Jean, 24 colonnes du Palais de Justice, jardin du Rosaire, Antiquaille.

Cathédrale Saint-Jean, fourrure d’or

L’un des plus fabuleux spectacles de quasiment chaque fête des lumières est ici, sur la façade marmoréenne de la cathédrale Saint-Jean. Je n’ai pas souvent l’occasion de placer cet adjectif, alors j’en profite (marmoréen : qui a la nature, l’aspect du marbre).

Genesis (c) Théoriz Studio, cathédrale Saint-Jean — Simulation d'artiste
Genesis (c) Théoriz Studio, cathédrale Saint-Jean — Simulation d’artiste

L’animation imaginée par Theoriz Studio, basée sur lumière et musique, synthétisera carrément en quelques minutes chrono (vu l’affluence monstrueuse sur cette place, l’entrée est régulée et nécessite en général un bon quart d’heure d’attente) la genèse de l’univers et du nôtre, sur notre Terre. Cela a déjà été fait dans les années précédentes, normal vu la vocation méditative du lieu, mais on s’en fiche, peu importe le prétexte narratif, ce qui compte est la mise en scène. Et comme la barre est très haute (coups de cœur n°2 en 2017 et 2016 et 2011, n°1 en 2014 et 2009), le challenge comme on dit dans les team buildings est de taille pour Theoriz Studio.

Bonne fête des lumières 2019.

Réservation de visites guidées pendant la fête des lumières ici