Exposition « icônes Susan Kare » au musée de l’imprimerie, de Steve Jobs à Oksana Chatchko

Susan Kare et Steve Jobs

Steve Jobs avait 16 ans quand en 1971 Julien Clerc chantait « La Californie, la Californie… », où est en train de naître la micro-informatique . Le chanteur au célèbre vibrato aurait pu ajouter ajouter à sa chanson quelques années plus tard, «La Californie, la calligraphie  »… Lors de ses études à la très sélective et très coûteuse Reed College, université d’arts libéraux de Portland, le jeune Steve abandonne en effet les ennuyeux cours auxquels il est inscrit et pour lesquels ses parents adoptifs paient une coquette somme et s’inscrit en auditeur libre à d’autres plus à son goût, et en cachette d’eux. Parmi ces cours, il choisit un enseignement de calligraphie. Ce choix et la connaissance qu’il va acquérir de la calligraphie, cet art de bien former les lettres à la plume, auront un impact majeur sur ce que seront deux créations sorties de son cerveau : le MacIntosh et l’iPad.

Pour donner vie à leurs écrans, les rendre empathiques et familiers aux humains qui les vont les utiliser, il recrute en 1982 l’artiste graphique Susan Kare. Les icônes et les émoticônes créées par Susan Kare pour Apple, et pour d’autres entreprises informatiques, font l’objet d’une exposition jusqu’au 18 septembre 2022 au musée de l’imprimerie à Lyon.

La première image que l’on voyait en allumant un Macintosh en 1984, celle d’une icône d’un ordinateur souriant imaginé par Susan Kare pour rassurer la personne devant l’écran sur la capacité de la machine à entrer en contact avec elle.

Ces créations graphiques de Susan Kare sont passées dans la culture populaire de millions, voire de centaines de millions de personnes. La visite de cette exposition est un parcours quasi régressif, un bon vieux coup de nostalgie en constatant à quel point tout cela nous a marqué plus que nous n’aurions pu l’imaginer, une occasion de nous émerveiller du pouvoir créatif de certaines personnes, et de l’importance dans nos vies de la typographie. Susan Kare a mis de l’émotion là où il y avait du code informatique, a rendu les machines aussi familières que les livres.

Rendre familière la machine

Le message de bienvenue imaginé par Susan Kare pour accueillir les utilisateurs à l’allumage de l’ordinateur Macintosh.

Le travail de Susan Kare était d’humaniser la machine. De la rendre familière, facile, sympathique. On parle d’ergonomie. Mais on parle aussi de graphisme. De typographie. Susan Kare avait un solide parcours artistique, un doctorat de l’université de New-York en 1978. Elle a déjà travaillé au musée des Beaux-Arts de San-Francisco. Chez Apple, elle intègre l’équipe qui crée le futur Mac, machine qui sera une petite grosse révolution en matière de micro-informatique. Tout est à créer. Elle dessine les polices de caractères de l’ordinateur, Chicago, Geneva, Monaco, c’est elle. Pour la police Cairo, elle invente un caractère qui devient mythique, le Dogcow, une chimère que n’aurait pas renié Jorge Luis Borges, l’écrivain argentin, auteur du Livre des êtres imaginaires. En réalité, il s’agissait au départ d’un petit chien tacheté utilisé pour symboliser l’orientation des impressions. Mais il était si petit sur les aperçus qu’un développeur qui harcelait l’un de ses collègues, ne sachant si c’était un chien ou une vache, se vit répondre qu’il s’agissait des deux, un chein-vache. Et cela devint une blague dans le monde des geeks Apple.

La fameuse poubelle apparaît sur le 1er Mac, créée par Susan Kare.

Susan Kare invente un tas d’icônes qui existent toujours aujourd’hui. La fameuse poubelle. Le lasso pour capturer des zones à l’écran. Car le Mac invente rien moins que le pointer-et-cliquer. Plus exactement met dans les mains du grand public des inventions faites au PARC, le Palto-Alto Research Center, un labo de Xerox, une entreprise qui avait fait fortune grâce à ses brevets sur le photocopieur. Mais Xerox ne faisait rien de ces inventions. Un jour, un certain Steve Jobs avait visité ce labo et découvert l’existence de ces concepts graphiques autour des pixels… qu’il allait mettre en œuvre avec l’aide de talents comme Susan Kare. Elle travaille aussi sur l’iPod, qui lui aussi a marqué une génération.

Après Apple

Susan Kare a travaillé ensuite pour Microsoft, Facebook, IBM, Pinterest. Elle dessine par exemple dans le système OS/2 pour IBM un jeu de cartes bien connu de tous maintenant, le solitaire. Elle est toujours en activité aujourd’hui. Reconnue pour avoir inventé un art digital, elle a reçu des distinctions, ses travaux sont imprimés par le magasin du MoMA.

L’as de pique du Solitaire dessiné pour IBM, toujours dans le but d’humaniser la machine.

L’artiste activiste héroïque Oksana Chatchko

Si l’expo présente majoritairement le travail de Susan Kare, plusieurs autres salles sont consacrées à l’évolution des icônes dans le monde numériques avec d’autres designers digitaux. L’exposition s’arrête très très notamment sur le parcours singulier, talentueux, héroïque, passionnant et tragique d’Oksana Chatchko.

Oksana Chatchko le 8 mars 2009 – Source Wiki CC BY-SA 2.0 par xvire1969

Et nous fait découvrir cette personne extraordinaire. Artiste,anarchiste ukrainienne, fondatrice du mouvement des Femen. Influencée par l’art des icônes religieuses, elle les détourne politiquement en anti-icônes, contre les formes du totalitarisme. Elle se suicide à 31 ans.

L’expo au Musée de l’imprimerie à Lyon

  • Exposition jusqu’au 18 septembre 2022
  • Musée de l’imprimerie, 13 Rue de la Poulaillerie (rien que le nom est un voyage dans le Lyon du temps des premiers imprimeurs)
  • Plein tarif 6€, réduit 4€
  • Du mercredi au dimanche de 10h30 à 18h
  • Last but not least : IL Y FAIT TRÈS FRAIS !
La cour Renaissance du Musée de l’imprimerie à Lyon

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